C’est une immense feuille de papier rose fluo qui a été enduite d’un noir délavé, avec la technique de la tempéra. Cette technique ancestrale mêle de l’œuf battu avec des pigments, pour obtenir une matière qui adhère sans problème sur la surface du papier (ou de la toile, du bois) et dont la couleur est particulièrement intense. Cette feuille ainsi marquée, l’artiste l’empoigne et la chiffonne.
Voici une très grande boulette de papier, chiffonnée, un peu dépliée, à la fois légère et puissante, qui tient dans ce demi-déploiement ou ce demi-repliement grâce à la tempéra, qui rigidifie le papier. Comme le sommet d’une montage, fait de roches, l’œuvre dégage une force, une amplitude, une lourdeur. Et quand on s’approche, qu’on comprend qu’il s’agit d’une mince feuille de papier, voici que l’œuvre dit aussi : légèreté, impermanence, miracle d’équilibre accroché à un seul clou sur le mur.
Christine Reifenberger est une artiste allemande dont les peintures prennent parfois un sacré volume. Ce qui l’occupe c’est la transformation, le passage d’un état à l’autre. Avec cette œuvre inattendue, elle offre au regard un entre-deux élégant, précis, presque japonisant. On y voit une arabesque baroque, ou une torsion à la Wim Delvoye, ou un jardin asiatique stylisé sur soie. On y voit un origami un peu névrosé, une tentative de ramasser, comme pour condenser une image ou une pensée. On y voit aussi l’air, cet élément invisible et sans poids, qui pourtant pénètre tous les interstices laissés entre chaque pli du papier. L’air fait partie intégrante de cette œuvre. Il l’englobe, la soutient, la pénètre, l’entoure. On peut presque dire qu’il lui donne son sens.
L’œuvre est alors ce moment mystérieux, dont seule l’artiste décide, entre le plat et le volume, entre l’aplat de couleur unie et les ombres d’un noir transparent posé sur un rose vif, entre le non-sens et le sens condensé.
Arabesque
Christine Reifenberger
Esther Verhaeghe - Art Concepts
51 rue Mignot Delstanche
1050 Bruxelles
Jusqu’au 21 mai
Du jeudi au samedi de 14h à 18h
http://www.estherverhaeghe.com/
Fondatrice
Voir et regarder l’art. Puis transformer en mots cette expérience première, qui est comme une respiration. « L’écriture permet de transmuter ce que l’œil a vu. Ce processus me fascine. » Philosophe et sculptrice de formation, elle a été journaliste entre autres pour L’Echo, Marianne Belgique et M Belgique. Elle revendique de pouvoir écrire dans un style à la fois accessible et subjectif. La critique est permise ! Elle écrit sur l’art, la politique culturelle, l’évolution des musées et sur la manière de montrer l’art. Elle est aussi artiste. Elle a fondé le magazine Mu in the City en 2014.
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