Vanhaerents Art Collection : dans l’art du temps

Mylène Mistre-Schaal
04 décembre 2021

Partisane du slow art, la Vanhaerents Art Collection fait de chaque nouvel accrochage un véritable événement. Deux années après Viewing depot, Viewing depot EXH#02imaginée pendant la Covid, vient bousculer le calendrier. Avec une présentation qui happe les rétines, elle donne encore un autre aperçu des richesses de la collection familiale. On s’y régale, entre autres, des géants de David Altmejd, des œuvres néo-pop du Japonais Mr. ou des hypnotiques néons de Jason Rhoades.

Selon le même principe que la scénographie précédente (dont nous parlions déjà ici), Viewing Depot EXH #02 propose une partie de cache-cache arty, savamment pimpée par le goût de la découverte. Boîtes et caisses de stockage en bois structurent l’espace, formant cimaises, cloisons ou socles et révèlent les œuvres avec une originalité qui titille la curiosité. Le parcours n’est ni thématique, ni monographique mais s’amuse à provoquer des échos, des accointances ou des résonances entre les œuvres. Ces dernières se décollent volontiers du mur pour être appréhendées autrement ou se laisser tourner autour. Une vraie bouffée de fraîcheur, qui invite à la déambulation libre et à la divagation artistique.


Shine Bright

Au rez-de-chaussée, couleurs, néons et fulgurances lumineuses s’enjaillent. Le visiteur est accueilli par la présence monumentale d’un des géants du Canadien David Altmejd (The Hunter). Composé d’éclats de miroirs, ce colosse éclabousse de lumière les murs dépouillés de l’ancien entrepôt qui accueille la collection. Divinité tutélaire ou démon de minuit à facettes, il ouvre la danse en beauté et rappelle le goût du maître des lieux pour les grands formats.

Plus loin, c’est un Rudolf Stingel de 2009, tout droit descendu du salon du collectionneur Walter Vanhaerents pour rejoindre la nouvelle présentation et un remarquable Danh Vô aux reliefs cuivrés (We the people, element # N4) qui émerge tout juste de sa boîte.

Dans le fond de la première salle, deux séduisantes œuvres lumineuses accrochent le regard. Face à l’infinité hypnotique d’Ivàn Navarro (KICKBACKICKBACKICKBACK), les néons survoltés du Californien Jason Rhoades font l’effet d’un trip hallucinatoire. Pensée comme une sorte de nuage conceptuel, cette installation datée de 2004 est composée de mots lumineux et colorés qui s’enchevêtrent, comme autant d’idées qui grouillent.


Cors décors

Dans les étages, on retrouve avec délice le Nude XXXXX d’Ugo Rondinone. Moulée dans la cire, cette belle alanguie fait l’effet d’une Vénus allongée, dont l’apparent classicisme est habilement déminé par sa présentation peu commune, à même le bois brut de sa caisse de conservation.

Côté nouveautés, Foam, série photographique de Zhang Huan, s’étale sur tout un pan de mur. Datés de 1998, ces autoportraits généalogiques proposent un gros plan sur le visage de l’artiste, partiellement couvert de mousse. De sa bouche entrouverte surgissent des photos de sa famille, où se pressent ancêtres et descendants. En engloutissant de la sorte son passé et son futur, Zhang Huan poursuit son travail sur la mise en scène du corps, tout en questionnant le processus quasi organique des générations qui s’enchaînent. Cette scansion photographique fait pendant avec une autre série, les iconiques Perfect Vehicles d’Allan Mc Collum, déclinés ici dans les tons gris brun.

Un escalier plus tard, changement de décor avec un ensemble d’œuvres japonaises à l’esprit pop. La très kawaii Yi Subuppy de Mr., monumentale tête de fillette affublée de couettes bleues, y a trouvé une place de choix, non loin des déesses mangas aux formes affutées de Takashi Murakami. Un fascinant petit triptyque de Mariko Mori complète l’immersion dans l’esthétique très hype du Superflat nippon.

 

Under the spotlights

Disséminés au fil des salles, les Spotlights proposent un coup de projecteur thématique sur de jeunes artistes africains et afro-américains, nouvellement entrés dans la collection et rarement (voire jamais) exposés en Belgique. De nouvelles acquisitions qui forment un ensemble quasi politique, fortement impacté par l’actualité sociale et l’avènement de Black Lives Matter.  

Parmi la dizaine d’œuvres présentées, retenons le Saint Sébastien au torse tatoué de Kehinde Wiley, réalisé dans une vibe très hip-hop. Le peintre, connu notamment pour son portrait de Barack Obama, mixe avec bonheur références à l’histoire de l’art et culture urbaine, tout en proposant une réflexion approfondie sur l’identité raciale et sexuelle.

Dans un autre genre, l’Américain Titus Kaphar remédie à l’invisibilisation des Noirs dans la peinture. Au moyen de découpes qui « creusent » la surface de la toile et laissent voir ce qui se cache derrière la représentation traditionnelle, il redonne vie à toute une série de personnages que l’art occidental a trop souvent relégué au second plan, voire effacé. Autre belle découverte, les portraits rythmés d’aplats colorés de Derrick Adams. Déesses ou icônes contemporaines, ses femmes au teint d’ébène et aux perruques audacieuses posent sur nous un regard fier.

Un ensemble revigorant, qui distille des thématiques porteuses et donne une autre orientation à cette collection qui s’affirme, une fois encore, dans l’art du temps !

 

Vanhaerents Art Collection
29 rue Anneessens
1000 Bruxelles
Sur rendez-vous
www.vanhaerentscollection.com 

 

 

Mylène Mistre-Schaal

Journaliste

Historienne de l’art avec un goût prononcé pour l’art contemporain, Mylène Mistre-Schaal est collaboratrice régulière pour le magazine culturel Novo. Elle écrit également pour le city-magazine français ZUT et pour la revue Hermès. Co-autrice du livre L’Emprise des Sens aux éditions Hazan, elle s’intéresse tout particulièrement aux rapports sans cesse renouvelés entre l’art et les cinq sens. 

 

Newsletter
S'inscrire

Pour rester au courant de notre actualité,
inscrivez-vous à notre newsletter !

Soutenir mu in the city
Faire un don

Faites un don pour soutenir notre magazine !