Voir et regarder, BRAFA 2019

Muriel de Crayencour
27 janvier 2019

Dans les allées de la BRAFA 2019, des merveilles comme d'habitude. On retrouve de nombreuses galeries présentes depuis plusieurs années aux mêmes endroits de la foire. Ceci est voulu par les organisateurs, pour assurer une continuité. Bien évidemment, les pièces proposées ne sont pas les mêmes que l'année précédente. Il faut donc entrer dans les stands et se laisser guider par l'œil, votre guide le plus précis et le plus fidèle, que vous musclez et formez à chaque visite d'une exposition, et par ailleurs directement relié au cœur - c'est très bien conçu ! Il est permis de regarder et d'aimer ce que l'on veut, sans se soucier ni des tendances, ni du prix. Le ravissement est offert à qui se lève et va voir. Aussi simple que cela. En avant !

Röbbig München (stand 5c) est une grande maison allemande spécialisée en porcelaines. Habituée de la Tefaf, c'est sa première participation à la Brafa, prouvant ainsi que cette dernière devient de plus en plus internationale. Y voir une paire de vases en porcelaine de Meissen, chinoiseries décorées par deux artisans différents dont l'un peint de manière très chinoisante - le visage du personnage, par exemple - et l'autre plutôt de manière européenne. Ces objets résument à eux seuls le commerce de porcelaine avec la Chine, et le transfert des techniques et savoir-faire. Bernard de Grunne (stand 32c) a fait construire un stand très seventies, avec des pans de murs bleu vif et des étagères aux bords arrondis, sur lesquelles les sculptures d'art premier sont magnifiquement mises en valeur. Chez Desmet Gallery (stand 11c), dans le premier hall, ne manquez pas une Vierge à l'enfant en terra cotta de Lucca, datant du XVe siècle, d'une bouleversante simplicité.

Chaque année, Deletaille Gallery invite un de ses artistes à scénographier le stand. Cette fois-ci, c'est Lilian Daubisse, qui a créé deux rideaux de perles de carton vert et jaune, comme des lianes, qu'il faut écarter pour entrer et découvrir les grands masques de cette artiste, les compositions en plumes de Caroline Solvay, mais surtout, au centre, Girl Walking Out of the Ocean de George Segal, qui a utilisé ici pour une fois sa femme comme modèle.

Une exceptionnelle statue de la déesse Athéna, époque romaine (1er siècle ACN), déploie la finesse de ses drapés, chez Grusenmeyer-Woliner (stand 97d).  (stand 15d) présente une belle série de petits formats des XIXe et XXe siècles, dont elle est spécialiste, ainsi qu'une grande toile de Jo Delahaut et Le petit arlequin, une grande toile d'Anto Carte, très présente sur la foire cette année. Le retour du fils prodigue vous accueille d'ailleurs dès l'entrée de la Brafa sur le stand de la galerie Ary Jan (stand 2C), avec son paysage de neige et ce père assis, enlaçant avec tendresse son jeune fils.

Chez Harold t'Kint de Roodenbeke (stand 29c), deux Walter Leblanc se détachent du mur dans toute la luminosité de leur blancheur mate. Juste à côté, on retrouve comme chaque année la Galerie Claude Bernard qui présente uniquement les plats et autres objets en argenterie et pierres dures de Goudji. Parfaitement dans la tendance d'aujourd'hui qui mêle art et arts décoratifs. Emily Young (Londres, 1951) sculpte principalement des pierres dures sélectionnées avec soin. Voir cette formidable tête en lapis lazuli chez Bowman Sculpture (stand 17d).

A l'ouverture, Rodolphe Janssen (stand 94d) présentait une belle série de bronzes de Miguel Berrocal, star des intérieurs bourgeois des années 1970, avec ses sculptures-puzzles qui font leur revival aujourd'hui. Elles sont toutes vendues. On y voit aussi un Bram Bogart, très présent lui aussi sur la foire. Juste à côté, le stand de Didier Claes s'ouvre sur une paroi courbe dentée, sur laquelle se déploie une remarquable collection de peignes en bois.

Chez Bernier-Eliades (stand 112c), remarquons les œuvres brodées et perlées de Frances Goodman. Pour Ugo Rondinone, le Sun at 5pm ressemble à un cercle de branches légères transmutées en bronze doré, chez Gladstone Gallery (stand 96d).

La présentation de quarante pièces vendues par un des membres de la Chambre royale des antiquaires de Belgique, appelée aujourd'hui Rocad.be, est magnifique, un grand mur noir, un mélange d'époques, de genres et de styles. Notons aussi, sur le stand de la Fondation Roi Baudouin, un très beau Rassenfosse et un Mantel fait de languettes de porcelaine, par Piet Stockmans.

Last but not least, la Gallery Sofie Van de Velde (stand 18d) d'Anvers présente un stand sur le thème du rose. Nous sommes ravies de pouvoir échanger sur le sujet. En effet, cela fait plusieurs mois que nous notons cette tendance chez les artistes actuels ! Du rose, du rose partout, comme une envie de bonheur et de douceur ! La fille de Rony Van de Velde, immense galeriste, a vu la même chose ! Moquette rose, œuvres roses, galeriste habillée en rose tous les jours. «C'est trop féminin», nous dit-on ? Il nous semble qu'au regard de très nombreux stands cossus, très classiques, celui-ci est audacieux et rafraîchissant et... pile dans une tendance de fond. Ceci ne diminuant en rien la qualité des œuvres présentées dont, en point d'orgue, l'un des trois corsets peints de Frida Kahlo.

BRAFA
Tour & Taxis
86 c avenue du Port
1000 Bruxelles
Jusqu'au 3 février
De 11h à 19h
www.brafa.art

 

Muriel de Crayencour

Fondatrice

Voir et regarder l’art. Puis transformer en mots cette expérience première, qui est comme une respiration. « L’écriture permet de transmuter ce que l’œil a vu. Ce processus me fascine. » Philosophe et sculptrice de formation, elle a été journaliste entre autres pour L’Echo, Marianne Belgique et M Belgique. Elle revendique de pouvoir écrire dans un style à la fois accessible et subjectif. La critique est permise ! Elle écrit sur l’art, la politique culturelle, l’évolution des musées et sur la manière de montrer l’art. Elle est aussi artiste. Elle a fondé le magazine Mu in the City en 2014.