Le Musée royal de Mariemont nous invite à un voyage dans les avenirs alternatifs imaginés par des artistes d'hier et d’aujourd’hui. Un fascinant miroir des craintes et des espoirs collectifs inscrits dans le temps.
Le futur n’existe pas. Ces images rêvées de villes idéales, de déplacements instantanés, de bonheurs standardisés ou d’apocalypses environnementales ne sont que la projection des craintes et des espoirs du présent. Interroger le futur, c’est aussi questionner notre rapport au temps, qui est une construction culturelle collective. En proposant une exposition sur la perception du futur par les artistes, le Musée de Mariemont sort de sa zone de confort muséal et expose là où on ne l’attend pas. Et c’est franchement une réussite.
L’objectif est clairement d’atteindre un autre public et de casser l’image liée à ses collections d’antiquités et de livres anciens. Avant d’entrer, le ton est donné avec la sculpture de l’emblématique personnage de manga Astroboy, poing levé, qui semble surgir d’un bassin pour quitter le paisible parc et rejoindre quelque mégalopole futuriste au-delà des nuages.
L’exposition imaginée par Sofiane Laghouati (également auteur d’un passionnant catalogue) et du scénographe Sébastien Faye propose un parcours thématique qui nous propulse comme une bille de flipper à travers tous ces futurs alternatifs qui ont souvent profondément marqué l’imaginaire de nos sociétés. On y retrouve plus de deux cents œuvres où la culture savante dialogue avec la contre-culture, l’archéologie avec les jeux vidéo. La dépouille d’une sirène naturalisée appartenant à Raoul Warocqué plonge devant le corsaire des étoiles Albator. L’Utopie de Thomas More fait écho aux Cités obscures de Schuiten et Peeters. Le Pinocchio de Jim Dine dit sa vérité à un Goldorak de Pierre et Gilles. Un vaisseau de Panamarenko fait la course avec les machines volantes d'Albert Robida, précurseur du Steam Punk. Le décompte métaphysique d'On Kawara ralentit le temps qui se suspend dans la pythie algorithmique que Fabien Zocco a confiée à une chorale de smartphones.
C’est souvent par le paysage que le futur s’imprime dans l’imaginaire. Dans ses fascinantes maquettes miniatures en céramique, Fred Biesmans met en scène un monde en déglingue où la vie continue dans un bonheur insouciant. Ronan-Jim Sévellec semble avoir figé le temps dans ses boîtes capsules où les objets de toute une vie s’amoncellent sous une pellicule de poussière et de moisissures.
Dans la course aux futurs, le pessimisme est aujourd’hui prêt à l’emporter. Comme si l'on progressait dans un couloir sans fenêtre vers une fin déjà écrite à l’avance, il devient de plus en plus difficile, face aux urgences climatiques et environnementales non résolues, d’envisager un avenir en dehors d’une forme de déclin. C’est pourtant ce que fait Luc Schuiten dans la carte blanche qui clôture le parcours. En quatre grands dessins et quelques maquettes, l’écoarchitecte rêve d’un autre futur possible, où l’homme serait enfin en harmonie avec la nature. Puisant dans les techniques et les matériaux du monde vivant, il redessine Bruxelles, Metz, Louvain-la-Neuve, ou le domaine de Mariemont dans une centaine d’années.
Un siècle, c’est loin. La plupart d’entre nous n’ont pas le ticket pour le vérifier. Entre-temps, nous avons tout le loisir de musarder entre ces futurs qui ne se sont pas accomplis. Et imaginer le nôtre.
Bye Bye Future !
L’art de voyager dans le temps
Musée royal de Mariemont
Chaussée de Mariemont 100
7140 Morlanwelz
Jusqu’au 24 avril 2020
Du mardi au dimanche de 10h à 17h
(jusqu’à 18h à partir d’avril)
www.musee-mariemont.be
Rédacteur en chef
Il n’imagine pas un monde sans art. Comment sinon refléter et traduire la beauté, la douceur, la sauvagerie et l’absurdité des mondes d’hier et d’aujourd’hui ? Écrire sur l’art est pour lui un plaisir autant qu’une nécessité. Journaliste indépendant, passionné et curieux de toutes les métamorphoses artistiques, il collabore également à Bruzz et COLLECT
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