Aboriginal Signature présente Mémoire d’ocre, une exposition transversale des œuvres de trois centres d’art de Warmun et des îles Tiwi.
L’exposition rassemble des œuvres crées entre 2006 et 2019, d’une quinzaine de peintres majeurs du Kimberley et des îles Tiwi, tel Timothy Cook, Churchill Cann, Rammey Ramsey, ou encore Paddy Bedford qui a notamment réalisé des peintures pour le musée du quai Branly, dont l’architecture fut conçue par Jean Nouvel. La plupart de ces artistes sont représentés dans les collections de musées du monde entier.
Dans le Kimberley, le peuple Gija récupère et travaille l’ocre issue de la terre depuis la nuit des temps. Churchill Cann va chercher lui-même ces morceaux d’ocre qui seront ensuite broyés, pour être apposés en aplats sur la toile, instaurant ainsi une connexion intime avec le lieu sacré dont ils sont issus. Le grain très présent de l’ocre offre une texture particulière, grâce à une matérialité renvoyant directement à cette terre qui est convoquée physiquement. Les couleurs chatoyantes des différents ocres utilisés par ces artistes offrent un panel riche de bruns chaud, d’orangés et de roses, souvent ourlées de pointillés aux teintes claires. La beauté infinie de ces peintures est faite de cette terre sur laquelle vivent ses habitants, et qu’ils honorent par la spiritualité de leur art.
Les artistes issus de cette région d’Australie qui fut la dernière à être colonisée ont été témoins à travers leurs familles d’une confrontation avec le monde occidental dont ils ont souffert. Dépossédé par la colonisation, Rammey Ramsey a vécu une partie de sa vie comme cow-boy, travaillant gratuitement au service d’éleveurs, ce qui lui a néanmoins permis de continuer à arpenter son territoire ancestral. Sur l’étendue du tableau Warlawoon Country qui incarne ce territoire, de grands coups de pinceaux illustrent ces chevauchées. La forme du cercle, trou d’eau aborigène vital pour survivre dans le bush, se confronte aux carrés des enclos nécessaires pour enfermer les troupeaux. L’arrivée du monde occidental, qui se traduit par l’occupation de l’espace par l’élevage, vient ainsi se surimprimer à l’esprit invisible du territoire aborigène. Dans cette peinture, ces deux dimensions se superposent ; diaphane, la spiritualité circule comme un souffle à la surface de la toile.
Les artistes des îles Tiwi font eux partie d’un peuple vivant face à la mer. Leurs œuvres sont imprégnées du lien fort que ceux-ci entretiennent avec les eaux qui environnent leurs îles, et les souvenirs qu’elles contiennent. On retrouve des motifs rappelant l’ondulation de l’eau sur leurs toiles de lin recouvertes de pigments naturels. Le tableau de l’artiste Delores Tipuamantumirri intitulé Winga - qui peut être traduit par vagues - évoque ces mouvements des marées, capables de modifier les paysages de l’île.
Les histoires que nous racontent ces peintures d’une immense beauté sont toutes le fruit du travail d’artistes héritiers d’une culture multimillénaires.
Mémoires d’ocre
Aboriginal art from Australia, Warmun et Iles Tiwi
Aboriginal Signature
101 rue Jules Besme
1081 Bruxelles
Jusqu'au 9 avril
Sur rendez-vous du mardi au dimanche, de 11h à 19h
aboriginalsignature.com
Journaliste
Diplômée de l’ERG en Arts Visuels, photographe mais pas seulement, Oriane Thomasson s’intéresse à l’art dans tous ses états, avec une prédilection pour les arts non-européen, le dessin, et la peinture. Passionnée de littérature, l’histoire naturelle et les voyages sont pour elle à la fois une source d’inspiration, et de fascination. Après avoir obtenu l’agrégation en arts plastique, écrire pour Mu in the city sur les expositions qu’elle voit lui permet de partager un regard sur l’art, et son enthousiasme pour les artistes.
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